PPP et digitalisation de l’industrie

Monsieur,  

Je vous remercie tout d’abord pour votre intérêt à l’égard du Programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans et suis heureux de contribuer à la réflexion que vous menez en matière de PPP et de digitalisation de l’industrie.

A propos des Partenariats publics privés (PPP), je pense qu’ils peuvent constituer un moyen efficace de financement lorsqu’ils sont utilisés à bon escient. Mais on peut cependant s’inquiéter lorsqu’ils deviennent des outils de prédation russe ou chinois qui visent le plus souvent une appropriation de richesses minières ou quand des financiers non moins prédateurs, les parent des codes marketing du durable, de l’inclusif, de la transition énergétique et écologique pour les vendre comme de la lessive à des collectivités locales quand chacun sait que sans industrialisation, la plupart ne seront pas rentables. Chaque projet est un cas de figure diffèrent et mérite, lorsqu’il s’agit de prendre des décisions qui engagent pour longtemps l’avenir des Etats et populations, que l’on étudie spécifiquement des financements adaptés ainsi que nous le ferons dans le cadre d’une plus large architecture financière adossée à des fonds performants et du programme que nous souhaitons mettre en œuvre. Pour ne pas abandonner l’Afrique subsaharienne à une domination russe ou chinoise, il conviendra de trouver à chaque fois la plus juste alternative parmi les nombreux mécanismes que l’ingénierie financière offre.  

En ce qui concerne l'industrialisation via l'angle de sa digitalisation et de son apport par rapport à cet objectif, il est évident que tous les nouveaux processus industriels devront intégrer, surtout  lorsqu’il s’inscriront parmi des étapes de chaines de valeur mondiales (CVM), les évolutions technologiques indispensables à une optimisation de leur qualité de fabrication et au bénéfice d’une réactivité satisfaisante qui constitue une condition sine qua non lorsque les grandes entreprises sélectionnent des partenaires et sous-traitants. On ne peut donc imaginer aujourd’hui d’industrie manufacturière de biens de consommation performante sans innovations technologiques ou de services publics sans numérisation.

On observe depuis plusieurs années que lorsque les technologies s’imposent massivement dans un pays, plus grande est la tentation de sauter les étapes des secteurs primaire et secondaire pour passer directement au secteur des services sur le modèle de pays plus développés dont on oublie souvent qu’ils ont dû passer d’abord par le stade agricole puis industriel pour se développer.

Aussi convient-il de ne pas se bruler les ailes en automatisant et en robotisant plus que de raison, les services et l’industrie manufacturière. Car le principal intérêt de l’industrialisation consiste à procurer une masse d’emplois directs, indirects ou induits qui permettent de sortir de l’économie informelle. Les employés paient des impôts, les consommateurs s’acquittent de taxes, les pays peuvent désormais trouver de l’argent sur des marches financiers dont le critère de jugement majeur est la capacité des Etats à lever de l’impôt et donc à rembourser les prêts, l’économie se structure et quitte un statut informel, le pays se modernise, des services publics voient le jour etc.

Pour résumer, les institutions financières africaines telles que la BAD doivent trouver un juste équilibre lors de l’attributions de leurs financements. Chaque pays veut être plus technologiquement avancé que son voisin mais un suréquipement technologique a-t-il un sens lorsque certains n’ont pas même accès à des besoins primaires. Selon leur utilisation et leur développement, les TIC pourraient aider de nombreuses populations à sortir de l’isolement et de l’extrême pauvreté ou au contraire, être contre-productives, pervertir l’économie de l’Afrique subsaharienne et ruiner ses chances de devenir un continent prospère. Cela participerait de surcroit, à l’aggravation de la situation sociale et à l’apparition d’une crise humanitaire jamais vue.

C’est pourquoi il faut un programme industriel volontaire, hors de considérations politiques et postulats idéologiques, plutôt pensé pour profiter au plus grand nombre et doté d’une méthode économique efficiente.  Les pays qui souhaitent voir la misère reculer, pourraient adhérer à une stratégie commune.

En raison d’une démographie galopante, le temps presse et l’Afrique subsaharienne doit s’engager dans le train de la croissance et du progrès dès maintenant et avant que cela ne soit désormais impossible. Le niveau de salaires de production, même s’il conviendrait de le relever pour accélérer le développement, permettrait de rivaliser dans le contexte de la mondialisation. La région subsaharienne pourrait exporter de nombreux produits vers des pays à plus fort pouvoir d’achat comme les pays de l’UE ou les USA tout en satisfaisant la demande intérieure sans toutefois aller vers une politique endogène à contre-courant qui n’a jamais fonctionné depuis le PAL et pas davantage avec l’Agenda pour 2063. Cela financerait mieux infrastructures et construction d’une industrie manufacturière des biens de consommation de plus en plus puissante. Ainsi, l’Afrique subsaharienne pourrait connaître, à l’instar de pays aujourd’hui développés, une longue et forte période de croissance.

 

                                                                              

                                                                                                                                            Francis JOURNOT   

 

                                                                                                                                                                Francis Journot Fair Consulting   -  Programme Industrialisation Afrique Subsaharienne