[Edito] Le défi africain de Macron

Va plus petit

Il faut changer la politique d'aide publique au développement en Afrique subsaharienne pour faciliter l'implantation de grandes entreprises, qui produisent aujourd'hui en Chine. Par Francis Journot 

Macron gabon

Emmanuel Macron veut refonder des liens avec des pays d’Afrique subsaharienne. Mais il est peu certain que le choix du thème de l’écologie et du durable, pierre angulaire de la politique d’investissement de l’Agence française de développement (AFD), soit le plus pertinent pour parler à une population subsaharienne ravagée par la sous-nutrition dans une région qui comptera 90 % de l’extrême pauvreté mondiale en 2030 et passera d’1 milliard d’habitants à 2 en 2050 puis 4 en 2100. Mais comment changer un modèle dogmatique et inadapté à la mondialisation ?       

Coût de la politique de l’Agence française de développement pour le contribuable français

Le montant annuel des fonds que l’AFD alloue aux projets, avoisine généralement 12 à 15 milliards d’euros (15 Mrds en 2023) dont la moitié est consacrée à l’Afrique. Il faut rajouter l’initiative Choose Africa de l’AFD dont le financement représente 3.5 milliards d’euros repartis principalement entre 26 000 entreprises africaines. L’AFD cite 3 exemples : un financement de 30 000 € en amorçage d’une start up sociale, 400 000 € pour soutenir la croissance d’une PME après un premier prêt de 100 000 € et dans le 3ème cas, une entreprise moyenne qui reçoit 10 millions d’euros de l’AFD lors de sa levée de fonds.

Des critiques à propos de l’aide publique au développement (APD) dès les années 60

L’écologiste et agronome expert de la faim dans le Tiers-monde René Dumont, doutait déjà de l’efficience de l’aide au développement et dénonçait une utilisation à des fins somptuaires puis Jean-François Gabas en 1988 et William Easterly en 2001 ont émis des critiques. Jeffrey Sachs aurait enseigné à Harvard que le développement ne serait possible qu'avec le secteur privé et l'économie de marché. En 2009, l'économiste zambienne Dambisa Moyo publiait le bestseller « Les ravages d'une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique », J’écrivais aussi en 2020 dans la Tribune Afrique que le capitalisme pourrait réussir là où l’aide au développement échoue depuis 60 ans en Afrique subsaharienne. 

Une politique dogmatique mais conforme à la ligne définie par l’ONU  

Pour mieux comprendre la politique française en Afrique menée ces dernières années, il convient de présenter le dirigeant de l’AFD. L’historien Rémy Rioux, c’est ainsi qu’il se définit, a été nommé Directeur général de l'AFD par François Hollande et désigné par Emmanuel Macron pour un 3ème mandat. Il revendique une politique "100 % compatible avec l'Accord de Paris" dont il était l’un des coordinateurs financiers en 2015 (COP 21) et estime que la politique de l'AFD est soumise à la nouvelle loi de programmation de l’aide internationale d’août 2021 qui elle-même doit se conformer au programme de développement durable de 2015 défini par l’ONU. On s’interroge aussi quant à l’aide de 140 millions d’euros en faveur de la Chine au titre de son développement, du cofinancement de 6 projets d’infrastructures chinoises en Afrique et de zones industrielles appartenant à des fonds d’investissement de pays souhaitant également l’exclusion de la France en Afrique.

La communication ou la politique industrielle française dans l’hexagone et en Afrique sont semblables. Bien que n’empêchant guère la désindustrialisation, le gouvernement se targue de vouloir réindustrialiser la France tandis qu’en Afrique, il prône l’industrialisation tout en réservant les financements aux projets écologiques ou les moins industriels qui ne créent que peu d’emplois directs, indirects et induits. Cela ne permet pas à l’Afrique subsaharienne de bâtir une importante industrie manufacturière des biens de consommation et de sortir du travail informel qui plombe l’économie.

La Chine s’est développée en 20 ans parce que les occidentaux ont apporté leurs industries  

Ainsi que nous le prônons dans notre Programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans, nous devons aller nous-mêmes démarcher et convaincre, schémas de process de production à la main et projections financières à l’appui, les grandes entreprises qui produisent aujourd’hui en Chine, d’inclure l’Afrique subsaharienne dans leurs étapes de chaînes de valeur mondiales (CVM). Puis faciliter leur implantation en organisant des écosystèmes locaux tout en préservant scrupuleusement l’environnement etc. La méthode qui produira rapidement des effets, sera dix fois moins onéreuse pour infiniment plus de résultats probants. Pour financer notre structure qui devra donc s’entourer de plusieurs centaines d’ingénieurs impliqués dans la construction en moins de 15/20 ans, du nouveau paradigme, il suffira de rediriger vers celle-ci, des budgets actuellement peu efficaces en termes de développement et d’industrialisation de l’Afrique.

Une réappropriation de productions chinoises, des mécanismes de péréquation ou de mutualisation des coûts et économies d’échelle, repartis sur les 2 continents et au sein de nouveaux modèles d’intégration verticale, permettront à des entreprises d’augmenter leur compétitivité. A terme, plusieurs centaines de milliards d’euros de nouveaux échanges pourraient rééquilibrer des balances commerciales déficitaires dont celles de la France et de pays d’Afrique mais aussi d’Europe.

 

Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans  ou Plan de régionalisation de production Europe Afrique et Africa Atlantic Axis.  Il fait de la recherche dans le cadre d’International Convention for a Global Minimum Wage et tient le site Collectivité Nationale

 

https://choose-africa.com/offres/pme/

https://www.proparco.fr/fr/actualites/choose-africa-1-milliard-deuros-supplementaire-pour-soutenir-les-tpepme-en-afrique

https://www.youtube.com/watch?v=h8LQ_DuoNvM

https://www.lalettrea.fr/action-publique_operateur-de-l-etat/2022/02/23/remy-rioux-attendu-au-tournant-sur-les-aides-de-l-afd-a-la-chine,109736065-eve

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/02/16/la-chine-annonce-un-accord-de-cooperation-avec-la-france-dans-les-pays-tiers_6113888_3212.html

https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-france-accroit-encore-son-aide-publique-au-developpement-1852957

Nouvelle loi de programmation de l’aide internationale d’août 2021   

Programme de développement durable de 2015 défini par l’ONU

https://presse.bpifrance.fr/bpifrance-et-arise-iip-nouent-un-partenariat-pour-favoriser-les-projets-de-transformation-des-matieres-agricoles-et-de-co-industrialisation-a-lechelle-panafricaine/

https://www.worldbank.org/en/research/brief/poverty-and-shared-prosperity-2018-piecing-together-the-poverty-puzzle-frequently-asked-questions